Vous avez déjà imaginé un monde sans pétrole ? Cela fait plusieurs décennies que les experts actualisent régulièrement la date d’épuisement estimée des réserves de pétrole de la planète. Quant à la date du fameux “pic pétrolier”, ce moment fatidique où la demande de pétrole dépassera l’offre, avec à la clé des chocs pétroliers infiniment plus violents que les précédents, des conditions de vie dégradées dans un monde bouleversé, elle bouge elle aussi régulièrement sur notre frise chronologique… selon les interprétations et les croyances de ceux qui contrôlent le curseur !
Nous avons eu envie nous aussi, le temps d’une soirée, de créer notre propre curseur pour le placer, de manière totalement arbitraire, sur une date aussi proche que “palpable” pour la partie reptilienne de nos cerveaux, et ainsi nous soumettre à un petit exercice de vision collective.
Imaginez-vous le 1er janvier 2019 : vous allumez la radio, insouciant, légèrement fatigué mais content de votre réveillon de la veille, plein d’entrain et de motivation pour l’année à venir… quand vous entendez une nouvelle qui vous glace le sang. En ce mardi 1er janvier 2019, les pays de l’OPEP annoncent une forte baisse de leur production : celle-ci entraînera une réduction drastique de l’approvisionnement en pétrole, et à partir du 1er janvier 2022, les pays importateurs ne bénéficieront plus que de 30% de l’approvisionnement actuel. Dans seulement 3 ans…
C’est en quelques mots le scénario que nous avions choisi de proposer dans le cadre de la soirée “Imaginons un monde sans pétrole (ou presque)” que nous avons organisée à la Maison de la vie citoyenne de Champigny le vendredi 30 novembre. Après avoir planté ce décor, nous avons invité les participants à s’y projeter pour dans un premier temps nommer les impacts que ce choc aurait sur leurs vies, leur cadre de vie, le monde.
Après cette première phase de collecte, les participants se sont répartis entre quatre tables, correspondant aux quatre grands “champs d’action” qu’ils avaient identifiés comme étant prioritaires : la mobilité, l’agriculture / alimentation, le logement et le “vivre ensemble”. Ils ont ensuite enchaîné trois sessions de brainstorming de 15 minutes, en changeant deux fois de table/thématique, pour réfléchir et définir ensemble des solutions à mettre en place.
Le temps de la soirée, la salle s’est animée, le mur s’est noirci d’idées, les échanges ont fusé. Nous en sommes ressortis avec une liste de solutions qui toutes présentaient des caractéristiques communes : celles de pouvoir être initiées rapidement, par des citoyens en mode bottom-up et à l’échelon local.
Voici la liste des solutions que nous avons collectivement sélectionnées comme étant concrétisables rapidement :
Nos enseignements de cette soirée
Notre idée de départ, quand nous avons imaginé cette soirée, était de proposer un événement autour de la résilience, en faisant appel à l’intelligence collective.
Positif, sans être trop optimiste, le résultat des échanges nous a confortées dans la vision du monde, actuel et à venir, que nous portons au sein du mouvement de la Transition et sur le projet de l’Alternateur. Plutôt que de vous ennuyer avec les détails d’une soirée qu’il aurait fallu vivre plutôt que de lire, nous avons choisi de vous en présenter une petite synthèse.
La transition est une affaire de récit
Le récit que nous choisirons d’écrire… individuellement ou collectivement. Le récit d’un monde que nous pouvons choisir de co-construire. Le mouvement des Villes et Territoires en Transition, dont nous faisons partie, aspire à écrire le récit d’un monde plus désirable, dans lequel la solution est dans le faire et le vivre ensemble.
Il ne s’agit pas de nier les crises pétrolières, climatiques et autres en cours ou à venir, mais de les intégrer dans ce travail de récit, de manière à accompagner/aider à la prise de conscience et surtout de stimuler la motivation, qui restent les clés du passage à l’action.
Le récit doit être individuel avant de devenir collectif
Nous ne sommes jamais que des êtres humains, fonctionnant avec notre propre vision, forcément subjective, du monde, selon un rythme qui nous est entièrement personnel, et en prise avec des peurs viscérales, que nous les ayons héritées intactes de nos lointains ancêtres chasseurs-cueilleurs (“fuir ou combattre”) ou de notre enfance. Cette individualité fait que la fameuse prise de conscience, celle qui poussera chacun.e de nous à changer et ajouter à la “masse critique” nécessaire pour vraiment nous engager dans le sens d’une transition désirable, devra être individuelle avant d’être collective.
Au fil de la soirée et des différentes phases/sessions d’échange/réflexion, et alors que nous étions en présence de personnes majoritairement “convaincues” de la capacité d’action des citoyens et familières du mouvement de la transition, le premier “je” de la soirée a mis du temps à émerger. Un “je” assumé, par lequel les participants ont accepté à se positionner comme sujets dans le monde en mutation que nous décrivions pour l’exercice. Un “je” indispensable pour leur permettre ensuite de se placer en tant qu’acteurs des solutions sur lesquelles ils avaient travaillé avec enthousiasme.
La transition sera sociale autant qu’écologique
Ce que nous montrent clairement toutes les solutions qui ont émergé de la soirée, c’est que la clé de notre résilience, cette capacité de subir un choc sans s’effondrer, mais en s’adaptant à un nouveau contexte, consistera à être à la fois plus autonomes et plus solidaires.
Les moyens sont nombreux : repenser et relocaliser la production et la distribution alimentaire et énergétique ; réduire, mieux maîtriser et partager notre consommation d’énergie ; revoir nos modes de déplacement et les distances à parcourir ; utiliser intelligemment et durablement nos ressources naturelles locales ; récupérer, réutiliser et recycler les matériaux existants le plus possible ; récupérer des terres urbanisées ; repenser nos habitats et nos métiers ; renforcer l’économie locale et les activités artisanales ; adapter nos rythmes de vie aux saisons…
Mais aussi renforcer la solidarité. Pas uniquement celle des plus riches envers les plus pauvres, mais aussi celle qui lie les personnes d’un même quartier ou d’une même ville et les amène à se serrer les coudes quand les difficultés arrivent. Une solidarité qui opère entre des personnes qui sont soudées parce qu’elles ont appris à se connaître, notamment à travers des projets locaux favorisant le “mieux vivre ensemble”.
La table consacrée au “vivre ensemble” a attiré moins de personnes au tout début, et la liste des solutions finale était plutôt restreinte par rapport aux autres, bien plus “dans le dur”, “tangibles”. Au final, le (savoir) vivre ensemble transparaît en filigrane comme un prérequis dans la plupart des solutions proposées. Naturellement. Comme un gilet jaune “infiltré” dans la soirée nous l’a justement rappelé, la transition écologique, du moins celle que nous appelons de nos vœux, ne pourra pas advenir dans une société fracturée.
La suite
Cette soirée a été riche en échanges et en production d’idées. La suite telle que nous l’imaginons, c’est le lancement de nouveaux projets et EPT (Evénements Porteurs de Transformation/Transition, acronyme inventé lors de la soirée).
Nous avons aussi très envie de donner une suite à ce que nous voyons comme le tout début d’un dialogue au sujet de la résilience de notre ville, en organisant d’autres événements participatifs autour de cette question très complexe, mais aussi autour de la question de réappropriation citoyenne de domaines tels que l’économie, l’énergie, l’alimentation, l’espace public, etc.
Et vous, comment voyez-vous la suite ? N’hésitez pas à partager votre vision ou vos retours avec nous !